mardi 15 janvier 2019
Il s’est rendu coupable d’une attaque par déni de service (DDoS) contre un hôpital de Boston. Un acte politique selon lui.
Il y a presque trois ans, Martin Gottesfled était retrouvé dérivant au large des côtes cubaines sur un bateau propulsé défectueux. Ce Massachusettais avait pris la mer pour fuir les forces de l’ordre qui étaient sur ses traces et celle de sa petite amie Dana Barach depuis que l’homme s’était rendu coupable d’une attaque informatique à l’encontre d’un hôpital de Boston. Sauvé des flots par un navire Disney Cruise Line, mi-paquebot mi-parc d’attractions, Gottesfled sera remis aux forces de l’ordre dès l’arrivée de la croisière sur le sol américain et a depuis attendu son jugement en détention.
En août dernier, un jury fédéral se réunissait pour juger le hackeur membre du collectif Anonymous. La sentence de son procès a été annoncée ce jeudi 10 janvier, il a été retenu dix ans de prison à son encontre. Détenu depuis février 2016, Martin Gattesfled reste donc derrière les barreaux comme l’avait requis le procureur délégué David d’Addio convaincu que l’homme pourrait récidiver. Durant son procès, le hackeur a donné raison à son accusateur en ne manifestant aucun regret et ajoutant « J’aurais aimé en faire davantage » contre l’hôpital attaqué.
En 2013, alors qu’il était ingénieur informatique dans la ville de Somerville, Massachusetts, l’accusé s’était intéressé à un cas très médiatisé d’internement psychiatrique. Justina Pelletier, adolescente du Connecticut, avait été internée par le Boston Children’s Hospital qui avait jugé son état psychiatrique grave et souhaitait la séparer de ses parents dont les médecins estimaient qu’ils présentaient un risque pour la prise de son traitement.
Le couple Pelletier considéra que leur fille avait été « kidnappée » par l’hôpital et les lettres de la jeune fille, dissimulées dans des origamis qu’elle leur envoyait, soutenaient leur vision : « Je suis torturée » leur écrit-elle selon Rolling Stone. L’affaire des Pelletier est devenue médiatique en 2013 par le biais du Boston Globe qui consacrait au sujet une large enquête mettant à jour plus de cinq cas similaires traités par le département des affaires familiales américain (DCF) durant les dix-huit derniers mois, des dossiers appelés parentectomy (ou le fait de retirer des parents, littéralement) par les familles.Le Globe notait qu’entre 2001 et 2010, plus de 95 enfants étaient morts durant ces internements décidés par le DCF.
Le cas présenté par les Pelletier, qui opposait un réputé hôpital associé à Harvard et un couple d’Américains banlieusards middle-class, avait déjà tout d’une pure histoire américaine. Il manquait que les religieux se mêlent au dossier : ce sera le cas dès que les Pelletier demanderont au révérend Patrick Mahoney, de la Christian Defense Coalition, de les aider à mettre en lumière leur affaire. L’association religieuse, classée à droite et pro-vie, va prendre en charge la médiatisation extrême du cas de Justina Pelletier. Au plus fort de la tourmente médiatique, à Sommerville, Martin Gottesfled, alors âgé de 30 ans, se promet d’aider le couple et leur fille après avoir lu sur Facebook un article sur le sujet. Il écrira en commentaire : « Ils ne gagnent que si nous abandonnons ».
Durant son procès, l’ingénieur informaticien a exprimé son désaccord avec le diagnostic médical de l’hôpital de Boston. Déjà en 2013, comme de nombreux internautes, il avait formulé son propre diagnostic sur cette jeune fille qu’il n’a jamais vue et exigé, dans des groupes de soutien en ligne, qu’elle soit libérée du centre de soins. En 2014, Gottesfled, va plus loin : il met en place une attaque par déni de service à l’encontre de l’hôpital. L’attaque, peu élaborée, ne mettra pas en danger les données des patients mais ralentira ou empêchera le fonctionnement du site Internet de l’hôpital qui estime, à l’heure du procès, des dommages financiers de plus de 400 000 dollars. Selon le procureur, le traitement des patients a pu être interrompu à cause des problèmes causés par l’attaque.
Le tribunal a retenu contre lui une amende de 443 000 dollars et 10 ans de prison selon Reuters. Gottesfled fera appel même s’il ne regrette en rien ses actions et se confronte à la dure loi CFAA inventée sous l’ère Reagan, protégeant les systèmes informatiques publics jusqu’à l’excès. Le procureur d’Addio estime que Gottesfled a mis en danger la vie des enfants tout en qualifiant l’accusé d’ « autoglorifier » la menace qu’il représentait.
Justina Pelletier, depuis sortie d’internement, prend aujourd’hui la parole pour défendre Gottesfled, « il ne devrait pas être en prison » juge-t-elle auprès de Rolling Stone. Aujourd’hui, après avoir largement contribué à faire connaître le mot-dièse #justice4justina, Martin Gottesfled donne naissance malgré lui à celui de #FreeMartyG. Un concentré d’Amérique, à l’heure d’Internet.
— Corentin Durand (numerama.com)
Site Officiel - Free Martin Gottesfeld