mercredi 16 mars 2016
Pour le fondateur du mouvement du logiciel libre, il est impossible de vivre libre dans des environnements où la socialisation et où l’informatique sont assujetties à des entreprises privées qui balisent les activités humaines avec des logiciels privateurs ou avec des services dont les codes et leurs intentions sont gardés secrets.
« Il faut éliminer Facebook pour protéger la vie privée » a lancé en entrevue au quotidien indépendant du Québec « Le Devoir » le célèbre programmeur américain, président-fondateur de la Free Software Foundation et militant de longue date pour une informatique libre et ouverte. Il est également à l’origine du système d’exploitation GNU/Linux qui, depuis des années, fait la nique aux systèmes informatiques privateurs développés par Apple ou Microsoft. « Sans cette vie privée, sans la possibilité de communiquer et d’échanger sans être surveillé, la démocratie ne peut plus perdurer. Dans un monde où les communications sont surveillées, les possibilités de dénoncer les abus, de savoir ce que l’État fait diminuent forcément, avec à la clé une perte de contrôle du citoyen sur ce même État. »
Le réseau social numérique de Mark Zuckerberg « utilise bien plus ses usagers que ses usagers ne l’utilisent »,. « C’est un service parfaitement calculé pour extraire et pour amasser beaucoup de données sur la vie des gens. C’est un espace de contraintes qui profile et fiche les individus, qui entrave leur liberté, qui induit forcément une perte de contrôle sur les aspects de la vie quotidienne que l’on exprime à cet endroit. »
Les conséquences sociales et politiques ne peuvent être que délétères à moyen ou long terme, surtout si le pouvoir de ce réseau se voit renforcé au fil du temps par les abonnés qui se multiplient en son sein.
« On le voit avec l’informatique privative [celle portée par les Apple et Microsoft de ce monde] qui, depuis des années, ne laisse aucune place à l’alternative de l’informatique libre. Les entreprises qui soumettent les gens avec ces produits gagnent beaucoup d’argent, argent qu’elles utilisent pour amplifier l’inertie sociale qui bloque toutes les portes de sortie. »
Et pourtant, une telle domination est néfaste pour les gouvernements assure-t-il. En laissant leurs administrations publiques se placer sous le joug d’entreprises, ils perdent de leur pouvoir tout en ne servant pas bien les citoyens qu’ils représentent.
« Une informatique publique dans l’intérêt du peuple n’est pas une informatique dont le contrôle est dans les mains d’entreprises privées qui cultivent le secret sur leurs codes informatiques. »
« Le logiciel privateur surveille ses utilisateurs, décide de ce qu’il est possible de faire avec ou pas, contient des portes dérobées universelles qui permettent des changements à distance par le propriétaire, impose de la censure. Lorsqu’on l’utilise, on se place forcément sous l’emprise de la compagnie qui le vend. Avec ce pouvoir, le propriétaire est tenté d’imposer des fonctionnalités pour profiter des utilisateurs. On ne peut décider librement du code que l’on installe ou pas. On est donc forcément soumis et moins libre. »
« Il faut se défaire de ces chaînes numériques pour retrouver la liberté de créer, de partager, de construire des données, loin des contraintes imposées par les géants du numérique. »