dimanche 5 avril 2015
En février 2014, "La Guerre Invisible", le livre enquête paru aux éditions Causette-Les Arènes, révélait les violences sexuelles faites aux femmes dans l’armée française. Les auteures, Leila Miñano, journaliste indépendante du collectif Youpress et Julia Pascual, journaliste au magazine Causette, ont travaillé pendant deux ans sur cette enquête qui les a conduit aux quatre coins de la France.
L’armée française est la plus féminisée d’Europe, avec 15 % de femmes dans ses rangs.
Une réalité de brimades et de violences jamais dénoncées, parfois étouffées sous le poids de la hiérarchie. Car les histoires de « La Guerre invisible » ne sont pas des « cas isolés », elles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Aucun état-major de l’armée de terre, de l’air, de la marine et de la gendarmerie, aucun ministre de la Défense ne fit cas des multiples alertes.
Quand la grande muette s’y intéressa, ce fut pour mieux se débarrasser de celles par qui le scandale était arrivé. Mutées, humiliées, les victimes, et les « lanceurs d’alerte » qui leur sont venus en aide, sont devenus les moutons noirs. Chaque fois ou presque, l’institution a atteint son but. Déclarées « inaptes au service », réformées pour « infirmités », les soldates que Leila Miñano et Julia Pascual, ont rencontrées ont presque toutes quitté les rangs. D’autres se battent encore pour que justice leur soit rendue.
[...] À notre grande surprise, le premier à le reconnaître se trouve à la direction générale de la gendarmerie nationale, basée à Issy-les-Moulineaux. Dans le plus beau bureau, au bout de la plus grande table de conférence, le général Philippe Mazy, visage rond et style débonnaire, trône sous un portrait de François Hollande. L’interview du directeur des personnels militaires de la gendarmerie depuis septembre 2013 semblait bien cadrée par la communication. Mais non, de but en blanc, le général reconnaît le problème.
« Cela fait trois mois que je suis à ce poste et j’ai eu trois coups de fil pour signaler des cas de harcèlement contre des femmes... Vous vous rendez compte ? Qu’une jeune femme m’appelle, moi, un homme, un général, pour me parler de ce genre de problème, ça laisse augurer de ce qui se passe vraiment. Je suis persuadé que, pour une affaire qui est portée à ma connaissance, il y en a dix que je ne connais pas. » [...]
La photographe Axelle de Russé a entamé un long travail de mise en lumière de ces itinéraires brisés. Elle est allée à la rencontre de ces femmes qui ont été confrontées à un mur de silence et d’injustices.
Exposition « La guerre intérieure » par Axelle de Russé :
du 25 mars au 26 avril 2015 à L’Espace des femmes - 35, rue Jacob Paris 6ème.