dimanche 22 mars 2015
Même si le ministère de la Défense prétend lutter contre le harcèlement, les plaintes des femmes soldats violées restent trop souvent étouffées. Les militaires sont la seule catégorie professionnelle en France à ne pas être protégée formellement par son statut. Aucune disposition du Code de la défense n’interdit ainsi le harcèlement moral et sexuel dans les armées. Les seules limites sont donc celles de la répression éventuelle fondée sur les dispositions du Code pénal et du Code de justice militaire, souvent méconnues des militaires et dont la mise en œuvre n’est pas aisée.
« L’état militaire exige en toutes circonstances esprit de sacrifice pouvant aller jusqu’au sacrifice suprême » Article L4111-1 du code de la défense. Dans ces conditions, le sacrifice de leur corps ne serait donc, tout compte fait, qu’une sorte d’entraînement au sacrifice suprême ?
En 2003, Valérie, 21 ans, réalise son rêve, porter l’uniforme, même si elle aurait préféré être mécano que commis d’office en cuisine. Le rêve tourne rapidement au cauchemar : Valérie raconte avoir été violée à deux reprises. Malgré les pressions de son supérieur, elle portera plainte... mais reste interdite après avoir entendu cette phrase dans la bouche des gendarmes :
"Que voulez-vous de plus ? Ils ont déjà été punis. Ils ont fait de la garde à vue." Vie brisée. Tentatives de suicide. Réformée pour infirmité. Plainte classée sans suite en 2011.
Engagée comme secrétaire au sein du régiment de Châlons-en-Champagne, Elodie est harcelée par son supérieur. Elle sera mutée de force au mess après s’en être plainte. Mais les brimades continuent. Son nouvel adjudant commence alors à lui envoyer des SMS à connotation sexuelle. Elodie n’ose pas en parler.
Elle affirme qu’il tentera de l’embrasser de force dans son bureau, et qu’il finira par la violer quelques jours plus tard.
En 2010, en mission sur le navire "Le Foudre", Clara est violemment agressée par un marin lors d’une escale à Dakar. Elle subit aussi des attaques racistes. Sa hiérarchie, loin de la défendre, l’accuse d’avoir provoqué l’incident.
Débarquée du "Foudre", elle est mise au placard. Pugnace, elle ira au procès. Et gagnera.
Ancienne hôtesse de l’avion présidentiel, Laura affirme avoir été harcelée moralement et sexuellement : les escales avec ses collègues pilotes virent souvent à la beuverie et au cauchemar pour elle. Avances repoussées, coups de téléphone nocturnes et répétés, réflexions sexistes, elle finira par dénoncer ces comportements à sa hiérarchie.
Lors d’une patrouille de nuit en 2012, Seeade affirme avoir refusé de "coucher juste pour un soir" avec son supérieur hiérarchique, qui tentera aussi, plus tard, de s’introduire dans sa chambre. Selon Seeade, le harcèlement de la part de ce dernier est permanent, les mauvaises notations s’accumulent, les accusations de prostitution aussi.
Céline est la première et la plus jeune femme à avoir intégré les unités de combats des chasseurs alpins. Lors de son intégration, son supérieur lui dit :
"On ne veut pas de femme ici, on va te briser. Les femmes ne sont faites que pour faire le ménage et être engrossées."
Pendant des mois, elle est victime de harcèlement sexuel quotidien, de harcèlement moral ; et d’une tentative de viol lors d’OPEX (opérations extérieures) en Côte d’Ivoire et au Kosovo.
La photographe Axelle de Russé a rencontré ces militaires trop bavardes pour "la grande muette". Leur combat est pourtant long et douloureux : pression de la hiérarchie, plaintes classées sans suite, dépression, tentatives de suicide, mutation ou radiation pure et simple de l’armée. Le travail d’ Axelle de Russé, soutenu par le Centre national des Arts plastiques (Cnap), fera l’objet d’une exposition :
"La Guerre intérieure", du 26 mars au 25 avril, à la Galerie des Femmes, 35, rue Jacob, à Paris-6e.